Cet hiver, sortez couvert !

Oui , ce n’est pas de contraception dont nous allons parler… Quoique, c’est tout de même de protection ! En effet, l’automne est là et l’hiver approche, les sols agricoles se trouvent dans une période transitoire, appelée l’interculture. Souvent, ils furent nus, mais depuis quelques temps, nous cherchons à les protéger eux aussi… avec des couverts !

Couverts végétaux, CIPAN (cultures pièges à nitrates), engrais verts, cultures intermédiaires, gestion de l’interculture… beaucoup de termes pour définir cette période entre la récolte d’une culture et l’implantation de la suivante !

Dès les premiers frimas automnaux, les maïs sèchent avant de rejoindre le contingent du grenier mondial, les vaches profitent du regain des prairies, les charrues retournent des tonnes de terre… et pourtant des parcelles fleurissent… Etonnant non ?

Moutarde (pas forcément dijonnaise), navette spéciale pour le fourrage,  vesce, avoine (pas comme Stéphane Le Foll…), des tonnes de pois, sarrasin, trèfle d’Alexandrie Alexandra, autant d’espèces qui se retrouvent dans nos champs.

Alors pourquoi cherche-t-on à couvrir le sol entre deux cultures ?

Les raisons sont multiples : agronomiques, environnementales, écologiques mais aussi réglementaires !

Certains producteurs pratiquaient cela depuis de nombreuses années, notamment en agriculture biologique où la diversité des cultures dans une rotation permet de gérer l’enherbement et la fertilité des sols ; mais c’est la réglementation agricole européenne qui a généralisé la couverture des sols nus.

Directive Nitrates  et CIPAN :

A partir des années 90, dans les campagnes, la fameuse et redoutable Directive Nitrates a fait son apparition afin de diminuer les pertes d’azote, non consommées par les cultures vers les eaux de surface ou les nappes.

Ces nitrates suivent les mouvements de l’eau dans le sol et se lessivent (non, ils ne sont pas plus propre !), lorsqu’ils ne sont plus captés par les plantes. Donc après la récolte d’une culture, il reste un « reliquat » d’azote dans les sols, celui-ci en fonction de la pluviométrie, va descendre dans le sol jusqu’à ce retrouver dans les différentes nappes. Nous avons donc cherché à limiter ces « pertes » d’azote, en implantant des Cultures Pièges à Nitrates (les fameux CIPAN !) après les récoltes.

Cette couverture du sol a pour but premier d’utiliser le « reliquat » d’azote présent dans le sol pour le développement du couvert, mais aussi couvrir le sol pour diminuer l’engorgement des sols en eau en période pluvieuse (automne/hiver). Mais cette couverture du sol apporte d’autres intérêts pour nos sols.

moutarde CIPAN source web plein champs
Crédits : Plein Champs

Battance et érosion :

Si l’on reste sur le volet environnemental, mettre en place des cultures plutôt que laisser un sol nu, va permettre de diminuer les phénomènes d’érosion (qui entraînent des dégâts sur les cultures, coulées de boue, mais aussi la perte de la fertilité d’une parcelle et le transport d’éléments nutritifs vers les eaux superficielles). La présence de végétation durant les conditions pluvieuses, permet d’apporter une rugosité de surface qui protège le sol des impacts de la pluie, et ralentit la formation d’une croûte sur la surface du sol (c’est ce que l’on appelle la battance -comme les portes – qui entraîne par la suite l’érosion des sols). Nous aurons donc une meilleure infiltration de l’eau dans le sol qui de plus sera en partie pompé par le couvert.

Un couvert végétal, comme son nom l’indique couvre le sol avec de la végétation, cette végétation en se développant aura aussi des impacts sur la fertilité du sol (cela reste de la protection et non de la contraception).

Structure du sol

Un premier impact, simple mais efficace, est la structuration du sol avec le développement des racines. Cela permet au sol de ne pas se tasser en profondeur, de garder une porosité de surface avec le chevelu racinaire. Certaines espèces comme les crucifères avec leur pivot racinaire vont servir « d’autoroute » pour l’infiltration de l’eau et fissurer les semelles de labour (zones tassées en profondeur, liées au passage des outils). La navette, les radis et certaines graminées (avoine d’hiver, moha) seront de bon contributeur et cela va permettre un meilleur fonctionnement du sol.

On parle aussi d’engrais vert, car ces plantes vont apporter des éléments nutritifs aux cultures suivantes, de façon directe ou indirecte et améliorer la fertilité du sol.

Fertilité du sol : aspects nutritif et biologique

Lors de la destruction du couvert végétal, celui-ci va se dégrader dans le sol et rentrer dans le cycle de la matière organique du sol. Ces débris de végétaux vont servir de nourriture à l’activité biologique du sol et libérer des éléments nutritifs (notamment de l’azote) qui serviront aux cultures suivantes. De plus, ils vont se transformer en matière organique et ainsi contribuer à la stabilité de la structure du sol.

Cet engrais vert, est donc à la fois de la nourriture pour la vie du sol,  un apport de matière organique (faible mais significatif sur du long terme) et une source en éléments nutritifs qui seront stockés dans la matière organique du sol (donc disponible pour la culture suivante).

La destruction d’un couvert suffisamment développé permet de transformer un végétal en un engrais vert qui permettra de maintenir la fertilité de nos sols.

Rôle des légumineuses :

Certaines espèces, de la famille des légumineuses, ont un fonctionnement différent car elles vont capter l’azote de l’air plutôt que celui du sol pour leur développement et le restituer lors de la destruction du couvert. Il est important toutefois de préciser que les légumineuses vont d’abord utiliser l’azote présent dans le sol (la nature est feignante !) et ensuite valoriser l’azote de l’air pour se développer. Il y aura donc un impact positif dès lors qu’elle reste en place sur une interculture longue.

vesce avoine source web agri
Crédits : Web Agri

Maîtriser les adventices

Cette couverture aura aussi un rôle de concurrence face aux adventices. Elle permet ainsi de maitriser le stock semencier du sol et diminuer la diversité des adventices.

Plus le couvert couvre le sol (comme dirait la palisse), plus il empêche le développement de plantes non souhaitées, ce qui permettra de maîtriser les adventices de façon naturelle. D’ailleurs certains couverts comme la moutarde, diffusent des molécules toxiques dans les sols pour concurrencer les autres plantes… tel un désherbant végétal !

Des répulsifs « verts »

Certaines espèces peuvent permettre de lutter contre les agresseurs des cultures, en diffusant des biocides contre les maladies pouvant se développer. D’autes couverts, favorisent le développement d’insectes comme les carabes (tel que la phacélie) qui sont de bons auxiliaires (c’est à dire des prédateurs des bioagresseurs).

Agronomie, environnement, fertilité ; les impacts des couverts sur nos productions et notre environnement sont nombreux et variés. C’est lié à la variété des espèces utilisées (graminées, légumineuses, crucifères, composées etc) qui ont chacune des qualités différentes. Les couverts peuvent même être récoltés pour compléter un stock de fourrage pour les éleveurs !

Pour conclure ce rapide tour d’horizon, la gestion de l’interculture reste très complexe. En effet, Il faut pouvoir implanter des cultures presque « hors saison », donc le climat va avoir un rôle prépondérant sur la réussite de l’implantation d’un couvert. Et il faut les détruire avant qu’elles aient un impact dépressif sur la culture suivante. La destruction peut être physique (par écrasement/broyage), climatique (le gel) et malheureusement de nos jours… souvent chimique ! (N’oublions pas que le chimique ce n’est pas automatique !).

On parle aussi de couvert végétal dans les cultures pérennes (vigne, arbo). Les principes sont exactement les même : les viticulteurs gèrent l’inter-rang des vignes avec différentes espèces afin d’améliorer les qualités agronomiques des terroirs viticoles et diminuer les problématiques d’érosion.

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En maraîchage, aussi, les intercultures se développent que ce soit en plein champs ou sous serres. Des agriculteurs pratiquent déjà l’implantation de couverts végétaux, avec des résultats technico-économiques convaincants comme le témoigne Christian Baudas, maraîcher dans le Lot et Garonne : http://agriculture-de-conservation.com/spip.php?page=detail&id_article=1949&id_mot=12

L’interculture, quelle qu’elle soit, est un vaste sujet qui remet l’agronomie et la fertilité de nos sols au centre de notre travail. Aujourd’hui elle est même utilisée alors que des cultures sont déjà en place, telles que le semis sous couvert etc…

Ces quelques infos non exhaustives, ne demandent qu’à être alimentées par vos expériences, pragmatiques et concrètes, car la seule vérité est celle qui sort de la terre !

Et concernant la contraception humaine, c’est été comme hiver 😉