Normalisation des robots agricoles : un enjeu de performance et de sécurité

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L’utilisation de machines autonomes dans les champs pose la question de la sécurité, comme pour tout engin agricole classique. Mais si la filière est déjà encadrée par des normes et règlements, il est nécessaire de les adapter aux spécificités des nouveaux usages et technologies : un travail de fond sur la normalisation, que mènent ensemble regroupements de constructeurs, fournisseurs, laboratoires, agriculteurs et pouvoirs publics. Et une thématique qui sera abordée lors du Forum International de la Robotique Agricole (FIRA), les 10 et 11 décembre prochains à Toulouse*.

À l’échelle européenne, la directive Machines 2006/42/CE est le texte de référence en matière de réglementation des équipements et machines, y compris agricoles. Elle régit les grands principes de fonctionnement et de sécurité auxquels les constructeurs doivent se conformer avant toute mise sur le marché. Pour respecter ces exigences, ils appliquent des normes et standards européens et internationaux (EN et ISO), harmonisés avec la réglementation et qui valent présomption de conformité de leurs machines.

Or, « l’apparition des robots agricoles induit de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux usages et donc de nouveaux risques, à appréhender pour cadrer au mieux avec la directive Machines » explique Cédric Seguineau, responsable QHSE chez Naïo Technologies. Une compatibilité pas toujours évidente avec l’automatisation des fonctions agricoles.

Analyse des risques et mise en œuvre de solutions concrètes

La directive européenne impose par exemple que la machine ne réalise pas de mouvement inopiné à côté de l’humain, ce qui vient questionner la fonction automatisée permettant à un robot de prendre la main sur son déplacement. « La perception de l’environnement et des obstacles est ici au cœur des enjeux de sécurité », un sujet d’ailleurs au cœur du pitch proposé par Cédric lors du prochain FIRA. Autres points de décalage entre texte et mise en pratique : la responsabilité de l’opérateur, pas toujours présent auprès du robot mais légalement garant de la sécurité des opérations et qui doit être capable de mettre la machine en état sûr à tout moment; la navigation sur route pour l’heure interdite aux robots, impliquant de les déplacer pour changer de parcelle; ou encore l’existence de nouveaux dangers liés au numérique et à la cybersécurité.

Analyse des risques, réalisation de tests et ajustements en phase de conception, l’enjeu est de mettre au point des machines fiables et sécurisées, dans un contexte réglementaire parfois mal adapté ou imprécis. « Sur certains cas d’usage, les normes harmonisées n’existent pas.
C’est à nous de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux exigences de conformité et garantir la sécurité des hommes et de l’environnement »
confirme Cédric. « Il nous faut être très spécifiques dans les écarts entre la situation réelle du robot et les exigences de santé-sécurité.
Nous récupérons donc des normes harmonisées d’autres secteurs et réalisons un travail d’analogie avec la robotique agricole. Sur les points résiduels, nous
expliquons l’analyse de risque menée et détaillons les solutions mises en œuvre pour y répondre, puis prouvons le niveau de performance qui en résulte. »

Un travail collectif pour rechercher le consensus

Depuis quelques années et sous l’impulsion du secteur, les processus de normalisation et la réglementation évoluent. La directive Machines est en pleine refonte pour mieux prendre en compte ces usages et une nouvelle norme (ISO 18497) a été éditée fin 2018 sur le thème des Matériels hautement automatisés. Des travaux aux niveaux national, européen et international, auxquels participent institutionnels, industriels, startups, agriculteurs et laboratoires, dans une recherche de consensus global. « Il est important de se regrouper pour que, lorsque les projets de standards arriveront sur la table des comités ISO, une vision commune puisse en ressortir » note Cédric, qui coordonne les activités du groupe Sécurité des fonctions autonomes du Comité européen du machinisme agricole (Cema). Un guide éthique pour l’utilisation des machines autonomes dans les champs est en cours de réalisation au sein de ce groupe de travail, en concertation avec les associations et syndicats de constructeurs australiens, japonais et américains. Une dynamique internationale qui sera évoquée lors d’une table ronde au prochain FIRA.

« De part leur R&D, les acteurs de l’industrie sont au cœur de l’innovation. Ce sont les mieux placés pour anticiper les futures normes et prendre part à leur définition » estime Stéphane Duran, Responsable projet pour l’association RobAgri qui représente la filière robotique agricole française. Avec le projet SolRob, elle a développé une méthodologie commune d’analyse des risques applicable lors de la conception d’un robot agricole. « Cette méthode, reversée à tous les membres de l’association, est une  contribution essentielle à la conception et aux tests des  systèmes de sécurité des robots. »  Avec Naïo, l’association, qui se positionne comme un véritable incubateur de méthodes  et de propositions, veut également déposer une demande d’expérimentation pour évaluer le passage d’un champ à un autre par un robot agricole sur des chemin privés ouverts à la circulation, chemins ruraux et voies communales.  « L’idée est de mettre en place un protocole qui sécurise la traversée, pour une meilleure gestion des risques », explique Stéphane Duran. « Dans une optique d’adaptation de la réglementation, pouvoir tester et expérimenter est capital pour définir des cahiers des charges, garantir les performances et certifier le respect des exigences de sécurité ».

Un enjeu fort pour toute la filière

Les robots agricoles, en tant que technologie émergente, doivent gagner la confiance des utilisateurs : il convient certes de s’assurer de leur efficacité, mais aussi et surtout de leur sûreté. Lors du prochain FIRA, RobAgri consacrera donc à ce sujet un colloque scientifique, qui reviendra sur les enjeux de sécurité et de contrôle, la supervision et la prise de décision des machines autonomes et les interactions entre robots et outils.

Il s’agit en effet de faire preuve du plus grand sérieux sur les questions de sécurité, afin de relever le défi de la performance et de la soutenabilité, comme l’explique Cédric Seguineau de Naïo : « Nous pensons que notre rôle, avec l’introduction des robots, consiste aussi à réduire le taux d’accidents. À mettre au point des technologies plus sûres pour la santé, l’environnement et la sécurité des humains ».

*Retrouvez les interventions sur la réglementation, la sécurité et la normalisation des machines autonomes lors du FIRA, à Toulouse les 10 & 11 décembre 2019, organisé par Naïo Technologies et l’Axema et porté cette année par l’association GOFAR: